Actrice et acteur de sa santé et les limites.

Cet article m’a été inspiré par les nombreuses fois où j’ai fermé Instagram, encore plus anxieuse que je ne l’étais, en ayant peur du contenu de mon assiette, de tous les perturbateurs endocriniens de mon logement (et pourtant je fais attention), de la pollution de ma ville, en ressentant l'urgence de déménager (souvent plombant au quotidien) et en me sentant coupable de ne pas réussir à me débarrasser définitivement des douleurs chroniques et de l’endobelly, de ne pas boire des jus de légumes tous les jours, et de ne pas avoir la force de toujours penser positif. Donc d’un côté, on nous demande d’éviter le catastrophisme car nos pensées négatives vont amener le malheur sur nous et entretenir la maladie, et d’un autre côté, on nous bombarde d’informations sur ce qu’on doit faire, pas faire, et sur tous les dangers qui nous entourent. Sans doute qu’une minorité trouve quand même son équilibre au milieu de tout ça, mais je pense que c’est loin d’être le cas pour la majorité.

Cet article m’a ensuite été inspiré par la lecture du livre Jusqu’ici tout va mal de Louise Aubery, créatrice de contenus et entrepreneuse, qui dénonce les dérives du développement personnel (« Quand on veut on peut », « On est responsable de notre bonheur », « Nos pensées créent la réalité ») et constate que le bonheur est loin de dépendre de notre volonté. On peut lire sur la quatrième de couverture que « Cette prise de conscience, de prime abord fataliste, est au contraire libératrice : en se détachant de l’injonction au bonheur, on peut enfin se concentrer sur ce qui relève réellement de notre pouvoir. » Le livre de Louise Aubery m’a en effet fait du bien. Il m’a aidée à prendre du recul par rapport à l’injonction au bonheur et à la réussite, au cœur du libéralisme et du capitalisme, qui nous pousse davantage à la consommation (sans toujours servir notre réel intérêt, et les valeurs de justice et de solidarité qui me sont chères). Le livre explore différents pièges : la réussite, la comparaison, la girl boss, le perfectionnisme, et le développement personnel. Je ne vais pas le spoiler mais je vais reprendre quelques idées, non pas sous l’angle de la recherche du bonheur mais sous celui de la recherche de la santé quand on a une maladie chronique car on peut tomber dans les mêmes pièges que ceux précités : réussite, comparaison, perfectionnisme, développement personnel.

Sur les réseaux sociaux, on peut vite croire que finalement notre santé ne repose que sur nous et notre motivation à aller mieux et à mettre des choses en place. Si on a toujours un syndrome prémenstruel (aka SPM) c’est qu’on boit encore du café à jeun le matin même si on a déjà arrêté les tartines pain blanc-beurre-confiture. Si on a encore des douleurs c’est qu’on n’arrive pas à penser positif. Si on prend un anti-douleur, c’est qu’on a mangé du fromage. Si on est fatigué, c’est qu’on a regardé Netflix avant de dormir et pire, qu’on ne fait pas le job de nos rêves. Si on mange du chocolat, c’est qu’on tamponne nos émotions. Si on prend la pilule, c’est qu’on n’a pas guérit nos mémoires transgénérationnelles ou qu’on n’a pas lu les dernières études scientifiques sur l’endométriose. Et tout ça c’est sans parler du budget financier qu’il faut pour manger bio, voir des spécialistes de l’endométriose, être suivi en naturopathie, acheter des produits clean et des compléments alimentaires, faire une thérapie, de la sophrologie, prendre des cours de yoga etc. Et si on n’a pas l’argent pour ça, c’est finalement qu’on a peur de la réussite et de l’argent et qu’on ne visualise pas des millions tous les soirs avant de dormir.

Qu’on me comprenne bien je ne dénonce pas toutes les informations que l’on retrouve sur Internet, je me tiens moi-même à jour sur les dernières avancées scientifiques et je suis la première à parler des bienfaits de la prise en charge pluridisciplinaire de l’endométriose et du syndrome de congestion pelvienne. Je ne mange plus de fromage, j’essaie d’accepter la maladie chronique en restant positive la plupart du temps, mais je bois encore du café et il m’arrive d’avoir des crises de larmes ou d’angoisse à cause des douleurs, du coût financier de mes soins et des réseaux sociaux.

Je pense également qu’il est important de devenir actrice et acteur de notre santé, mais je crois qu’on cherche trop à nous faire croire que notre santé ne repose que sur notre volonté et notre responsabilité. Croire que tout repose sur nous, nous amène à croire que c’est de notre faute si on est encore malade. Bonjour la culpabilité et les pensées déprimantes comme quoi on est nul. En réalité, je pense qu’il y a des forces et des lobbys bien plus puissants que nous. On peut faire de notre mieux au quotidien pour se préserver de la pollution, on peut aussi en faire un combat politique, associatif ou professionnel, mais on ne résoudra rien à nous tout seul et on ne parviendra pas à s’en protéger complétement. On peut penser positif autant qu’on veut, si on a une santé mentale fragile, ça ne suffira pas. Une étude a d’ailleurs montré que les affirmations positives aident les personnes qui vont déjà bien à aller mieux, mais que les personnes qui ont une faible estime d’elle-même se sentent encore plus mal après l’expérience (étude : Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others). Et puisqu’on parle de santé, et bien l’expérience montre que tout le monde ne guérit pas d’une maladie et qu’on n’est pas libres et égaux face à ça.

Concernant le partage d’informations sur les réseaux sociaux et de manière générale, je pense que d’un côté c’est précieux car cela permet de réduire l’errance médicale et nous offre de nombreuses pistes de soulagement de nos troubles. C’est tout l’objet de mes articles, de mes publications Instagram et de mes ebooks. Je dois même avouer que si aujourd’hui je vais mieux, c’est grâce au fruit de mes recherches personnelles et aux associations de patient.es. Ce n’est en aucun cas grâce aux informations délivrées par les médecins consultés à l’époque. D’un autre côté, parfois c’est trop et cela devient de pire en pire sur Instagram. Trop d’information peut se révéler anxiogène, sans compter sur ceux qui jouent sur nos peurs et nos troubles pour vendre leurs produits. Le business de certaines personnes ne repose que sur notre malheur et nos troubles de santé. Les plus mal intentionnées n’ont aucun intérêt à ce qu’on aille mieux au risque pour elles de fermer boutique.

J’aimerais aussi partager le fait qu’on est pas tous égaux face à l’information. Exemple concret : ma médecin m’a proposé un test génétique pour en savoir plus sur l’alimentation dont j’aurais besoin mais c’est aussi un test qui révèle si on a une prédisposition ou non à la maladie d’Alzheimer. Certaines personnes veulent savoir car  "la connaissance c’est le pouvoir" et cela permet de mettre en place des choses pour éviter la maladie. D’autres personnes, comme moi, ne veulent pas savoir car c’est anxiogène et que je sais que cela pourra me hanter et m’empêcher de dormir. Je dois déjà dealer avec l’endométriose, l’anxiété, le syndrome de congestion pelvienne, alors ça suffit. Je ne veux pas savoir. Et c’est ok. Dans tous les cas je fais de mon mieux pour prendre soin de mon hygiène de vie, donc ça participe à la prévention de la maladie. Pour en revenir à Instagram, je pense que les personnes bienveillantes qui partagent plein d’informations doivent continuer à le faire car c’est précieux pour certaines personnes mais accepter que tout le monde ne réagira pas de la même manière à leur contenu. Je pense que les personnes consommatrices de contenu peuvent essayer de faire du tri et consulter principalement le contenu qui leur fait du bien et les encourage. Même si ce n’est pas toujours facile car les réseaux sociaux nous rendent accro ! Donc faut accepter aussi que l'on n’arrive pas facilement à s’en détacher.

Je pense aussi qu’il ne faut pas tomber dans le piège de croire qu’on est responsable à 100% de notre santé et remettre nos pensées et actions à leur juste place. Comme le dit Louise Aubery : « Quand on veut on ne peut pas toujours ». Et c’est ok ! Je ne crois pas que c’est fataliste mais qu’au contraire ça permet de se lâcher la grappe et donc de faire du bien. Je vous invite à lire le livre si cela vous intéresse 😉

Je pense qu’il faut chercher à prendre soin de soi et à faire de son mieux, mais sans rechercher la santé parfaite tout le temps, l’absence définitive de douleurs, le ventre plat tout le cycle, les hormones en équilibre au quotidien, et les assiettes saines tous les jours. Cette recherche de perfection est vouée à l'échec.

Je pense aussi qu’il faut accepter de demander de l’aide, acte courageux en lui-même, et de prendre des médicaments si cela est nécessaire à un moment donné. Ce n’est pas un aveu d’échec !

Je pense qu’il ne faut pas culpabiliser quand un régime ou une méthode semblent fonctionner pour les autres mais pas pour vous. Ce n'est pas de votre faute, il y a forcément d’autres personnes sur lesquelles ça ne fonctionne pas mais vous ne le savez peut-être pas. S’il y avait une recette magique pour guérir toutes les maladies chroniques, tous les troubles digestifs et toutes les endométrioses, on n’en serait pas là. Et cela ne veut pas dire que vous ne finirez pas par trouver la méthode qui vous convient 😉

Je pense qu’il faut chercher à se détacher de la vie de "rêve" renvoyée par certaines personnes sur Instagram (celles qui ont la pleine santé, celles qui ont le job de rêve, celles qui ont la famille parfaite), car souvent ce n'est pas toute la réalité, juste une facette édulcorée pour faire du like, se rassurer ou vendre des services/produits. Et revenir à ses envies, à ses besoins, à ce qui fait du sens pour nous, à ce qui est en notre pouvoir (et sans culpabiliser de ne pas toujours réussir à se détacher de la comparaison ^^).  Je n’ai pas non plus toutes les réponses. Je suis moi-même toujours à la recherche de mon équilibre, en tant que consommatrice et créatrice de contenu, et en tant que malade. Si mes symptômes ne me définissent pas, je dois composer avec. Je fais plein de choses pour aller mieux et il y a plein de choses que je ne fais pas pour aller mieux. Quelque part au milieu, je fais de mon mieux.